lundi 9 février 2015

Merci papa.

C'est beau.

Ca fait déjà plusieurs fois que Monsieur fait appel à mes services. La cinquantaine grisonnante, propre sur lui et toujours très classe, il est riche et aime le montrer. Il roule en grosse cylindrée américaine, boit des vins onéreux, porte des costards qui demandent à l'être humain standard de souscrire un crédit sur 25 ans... Mais tout chez lui respire la classe, le glamour. Ca me convient très bien, surtout qu'il est très soft dans ses demandes et me paie grassement. Ce coup-ci pourtant, je sens l’entourloupe.
Il m'appelle et me donne rendez-vous à une adresse d'un quartier résidentiel chic. Diable. Et notre hotel quatre étoiles? Et ma coupe de champagne où flotte innocemment une fraise? Monsieur m'explique bien qu'il faut que j'arrive vers 2h du matin, que je ne fasse pas trop femme fatale et que j'aurais un gros billet. Femme vénale que je suis, j'accepte. Femme angoissée que je suis, je suis à deux doigts de tout annuler cinq fois, mais je ne vais jamais jusque là.


Quand le grand jour arrive, je met une deuxième bombe au poivre dans mon sac et même ma matraque téléscopique. Sait-on jamais, si une bande de vieux riches lubriques m'attendait la matraque vaillante, je pourrais moi aussi leur montrer la mienne. Surprise en arrivant à la maison indiquée, une fête bat son plein. Une fête de jeunes, genre 18-20 ans. Moi qui avait hésité entre une robe et un jeans, j'aurais peut-etre du choisir la deuxième option, je n'aurais pas dénoté.
Je sonne, on m'ouvre. Je demande Monsieur, qui arrive rapidement, mi-rigolard mi-gêné. Certainement l'effet combiné du whisky qu'il tient à la main et de la jolie pute qui se tient à sa porte. Il m'entraîne dans son bureau, une belle pièce chaleureuse combinant contemporain et ancien. Il semblerait bien que l'homme ait du gout. Dommage, il est marié, sinon madame Monsieur serait une situation plaisante.
Il m'explique que la fête, c'est pour Fiston, fraîchement 18 ans. OK. Encore puceau. OK. Doint il faudrait que je cueille la petite fleur. QUOI?! Je reste bêtement là, les bras ballants et la bouche bée. Les secondes s'écoulent, lui me fixant dans l'attente d'une réponse, moi hésitant entre éclater de rire et saisir la reproduction de l'ours Pompon posée sur son bureau pour lui fracasser la tête et fuir plus facilement.

- Donc, vous voulez qu'il soit mon client.
- Très momentanément. Juste pour découvre les joies du sexe avec une femme de confiance.

Ah. OK. Il faut que Fiston perde son innocence entre de bonnes mains (et un bon... Enfin vous voyez quoi) mais que son expérience de la chaire payante s'arrête là. Soit. Je suis partisane du dépucelage amoureux avec gestes maladroits et bonnes douleurs mais qui suis-je pour juger les idées de Monsieur? Une pute, oui, exactement. Je ne vais peut-etre pas tout de suite lui balancer l'ours Pompon sur la caboche.


Et le programme des réjouissances doit ressembler à quoi, selon lui? Drague du jeune homme sous couverture, l'air de rien?



- Non non, je vais aller le chercher et vous le présenter, après vous pourrez monter dans sa chambre qui est prête.



Quel papa attentionné il fait. J'espère juste que Fiston a bu assez de rhum-cola pour ne pas saisir toute l'improbabilité du moment.
Les voilà qui reviennent tous les deux. Fiston ressemble à Monsieur, en jeune, en brun, en lunettes, en maigrichon et en timide. Disons qu'il pourra être fort charmant dans 5 ans, quand l'adolescence lui aura définitivement lâché le corps et l'esprit.
Il rigole, gêné, et matte sans vergogne, excité.



- Mon deuxième cadeau. Tu m'as dit n'avoir jamais eu de fille dans ton lit donc je t'offre celle-ci. Tu verras, elle est très bien.

Ah. Le cadeau (moi) fronce les sourcils. Fiston va-t-il décliner l'offre, trop intimidé? Ou même dégoûté de tremper le biscuit dans la même tasse que son papa? Ca n'a pas l'air, mais il ne semble pas trop quoi faire. Je m'avance et me présente.

- Je m'appelle Dentelle. Ton père m'a parlé de toi à plusieurs reprises, je suis enchantée de te rencontrer enfin. Tu me montres ta chambre? On sera plus tranquilles en tête-à-tête...



Après un dernier clin d'oeil goguenard du fier paternel (eh oh, va falloir se calmer sur le whisky) et une traversée moite de la foule, je découvre enfin l'antre du Fiston. Bon. Si on passe sur les montres coûteuses et les sous-vêtements de marque, on dirait n'importe quelle chambre d'ado. Le mien se dandine. OK. Je m'évente et accusant la chaleur, je retire ma veste et me laisse (langoureusement) tomber sur le lit, révélant ainsi mes dessous. Fiston semble apprécier. Je l'attire à côté de moi, mêlant mon rôle de prostituée et mon jeune âge. Il ne résiste pas longtemps et découvre enfin la coolitude du sexe. Pauvre enfant, si tu savais que la plupart de tes petites camarades ne savent pas utiliser un dixième de leur corps comme moi...
Est-ce-que ce genre d'initiation pousse le jeune client à se tourner plus facilement vers les prostituées parce que la femme lambda est décevante? J'en ai l'impression. Peut-être aurais-je du refuser ce client mais franchement, une fois Fiston endormi profondément et ma gratification de la nuit dans la poche, je n'ai plus vraiment pris le temps de réfléchir à mon implication dans le pervertissement du monde.

jeudi 22 janvier 2015

Le sens de l'observation



Une mini anecdote pour aujourd'hui!

Rendez-vous pour la 2e fois avec un homme libidineux, ventru et à l'haleine un peu limite. Mais bon, il est propre et pas méchant donc pourquoi le refuser, lui?
Par contre il est un peu égoïste et a sens de l'observation ex-tre-me-ment développé: il est tellement concentré sur lui-même qu'il remarque à peine que je joue super bien l'étoile de mer. J'aime pas qu'on voit pas mes talents d'actrice mais je ne vais pas pleurer non plus, surtout que ça donne de bonnes o
ccasions de rire:

- tu es d'une sensualité ex-ce-ptio-nnelle, j'adore faire l'amour avec toi, et en plus j'ai bien remarqué que toi aussi tu aimes faire l'amour avec moi.

- ah ouais? tu es vraiment sûr de toi?

- y'a des signes qui trompent pas ma chère...

Aaaah les clients, une source inépuisable de moments forts...

mercredi 21 janvier 2015

L'amour maternel



Un matin, assez tôt, je reçois un coup de fil. Ca tombe bien, je suis réveillée (assez rare pour être signalé. Les couches-tôt auront du mal à se faire un nom dans le métier). A l'autre bout du fil, une voix de femme. Ca aussi c'est assez rare pour être signalé. Il arrive qu'un client se révèle être une cliente, et ce n'est pas désagréable, mais les lesbiennes sont quand même rares à faire appel à la profession.
Ca tombe bien, la propriétaire ne l'est pas, lesbienne. C'est une maman soucieuse: elle trouve son fils irascible, bougon, et même agressif parfois. Elle y voit un lien avec le nombre phénoménal de râteaux qu'il s'est pris. Il a une légère tendance à tenter sa chance auprès de toutes les femmes qu'il croise mais aucune n'est intéressée. Pire, elles sont effrayées.
- Voyez vous, mon fils, il est handicapé. Pas méchant, mais il pense pas comme tout le monde quoi. Et ça l'énerve.
Le fils est trisomique, et ça freine beaucoup sa vie amoureuse et sexuelle. A 26 ans, il a l'esprit d'un enfant et le corps d'un homme, avec les besoins qui y sont liés.
Maman Soucieuse est toute gênée, mais aime son Petit Homme comme personne et veut bien faire. Accepterai-je une personne comme lui dans mes clients? Elle a de l'argent de côté, elle paiera sans problème malgré la Sécu qui ne rembourse rien à ce niveau là (Sécu, à ce propos, c'est pas beau de négliger ce coté là du traitement! Tirer un coup de temps en temps est bon pour la santé, même à 2 jours de mourir, même après 25 ans de maladie!).
Je propose une rencontre en vrai avec elle et son fils avant. Je me vois invitée à passer prendre le thé dans un village pas loin. Un jour, mon abnégation me perdra: j'accepte.
Maman Soucieuse est une petite bonne femme de 65-70 ans, toute ratatinée, avec un visage de poupée où elle a étalé deux grosses pastilles de blush. Elle est seule pour le moment, Petit Homme est chez son éducateur. Elle voulait me parler seule à seule avant son arrivée. Elle souhaiterait que je joue la jeune fille amoureuse cédant aux avances.
Jeune fille, OK.
Cédant aux avances, OK.
Mais amoureuse?! Petit Homme risque d'y croire et d'avoir le coeur brisé lorsque je rentrerai chez moi. Si elle peut payer 2-3 rencontres, elle ne pourra pas sponsoriser une vie entière de faux sentiments.
Je vois la déception dans le regard de Maman Soucieuse. Elle voudrait vraiment voir son fils heureux avec une femme. L'idée est noble, la réalisation moins. Je propose que nous expliquions simplement mon boulot au fils, en le laissant totalement libre dans ses choix. Si ça se trouve, le sexe ne l'intéresse pas. Si ça se trouve, JE ne l'intéresse pas.
Petit Homme est finalement plutot grand, et rondouillard. Et manifestement ébloui par ma personne (à moins qu'il ait cet air ébahi tout le temps). Il accepte de boire un sirop avec nous et très calmement, je lui raconte que je suis pour là pour lui et que s'il le souhaite, on peut monter dans sa chambre pour que je lui donne du plaisir. Je dois m'y reprendre à 4 fois pour qu'il comprenne bien de quoi il s'agit. Intimidé, il accepte ma proposition d'un hochement de tête.

Par la suite, j'ai reçu une lettre de sa maman me remerciant de mes services et me disant qu'il a l'air d'aller mieux depuis. Pour accompagner le mot, une photo de Petit homme dans sa parka verte, signée de son prénom en lettres enfantines.

Je n'y suis jamais retournée mais je garde une affection particulière pour lui.

lundi 19 janvier 2015

Eh, une chrysalide! T'as compris la métaphore?


Salut, moi c'est Dentelle, j'ai 25 ans. Et je suis une pute.
Une prostituée.
Une péripatéticienne.
Une vendeuse de sexe.
Mais pas une salope, merci.

Ca n'a évidemment pas toujours été le cas. Je suis même plutôt sage en fait. Pas la femme dépravée qu'on peut s'imaginer.
J'ai été élevée par une famille aimante, ni riche ni pauvre, avec des frères et soeurs, une maison dans un village tranquille... Scolarité normale, pas de crise d'adolescence à s'arracher les cheveux, juste une fille normale.
Qui est partie un jour faire ses études loin de papa-maman, parce que ce sont des choses qui arrivent fréquemment.
Mes parents ne pouvaient pas vraiment m'aider financièrement, mon père montait à ce moment là son entreprise. J'ai donc pris une petite chambre universitaire, c'était pas cher, pas loin de la fac, et si je ne voulais pas être seule le soir en rentrant, je n'avais qu'à ouvrir la porte pour avoir l'impression d'être dans le couloir avec les autres.
Sauf que très vite, la bourse ne me suffisait plus. Une fois le loyer payé, je n'avais plus rien (donc oui, en clair je touchais grosso modo 150€ par mois) et il fallait encore que je mange (un peu), que je sorte (rarement), que je me déplace (c'est toujours pratique)...
Plus qu'une chose à faire: travailler!
Moi la grosse flemmarde qui se débrouille toujours pour ne pas bosser, voilà que c'était une question de survie. Mazette, diraient nos ancêtres. Du coup, je fais quoi? Mc Do? Plateforme d'appel? Mais non, c'est trop simple, trop sain! Pour moi ça sera plutot du strip-tease, parce que je suis une grosse rebelle et qu'une amie qui en fait pouvait me faire entrer dans le bar où elle bossait.
Ca m'a suffit un temps, puis il m'en a fallu plus, et si possible en me tuant moins à la tâche. Ma souplesse légendaire et mon sens du rythme commencaient à souffrir de la situation. Pourquoi pas escort alors?
A partir de là le glissement a été rapide: de l'escort qui pensait avoir juste à accompagner au restaurant ses clients pour tailler le bout de gras devant de la bonne pitance, je suis passée à la prostituée plutôt douée de son corps. Une fois que tu mets le doigt dans l'engrenage, c'est difficile d'en réchapper.
Ce blog ne sera pas un plaidoyer contre la condition étudiante. J'aurais très bien pu faire le choix d'un job bien plus normal et m'en sortir également. Mais je dois avoir un grain, un truc qui tourne pas rond comme on dit. Ici, je raconterai juste des anecdotes, des portraits de clients si loin du cliché pervers-pépère, des rencontres sympas, parfois des moments pas drôles.
Mais toujours, toujours des histoires de pute et des moments cul.